Une femme émerge de la pénombre et parle. Elle n’a pas d’âge ou aurait tous les âges. C’est peut-être la conscience de cette femme qui se fait soudain entendre, son âme, sa psyché, qui ne sont pas altérées par le temps. La part intime d’elle qui ne change jamais malgré les années qui passent, les transformations du corps et du visage. C’est une femme sans destin exceptionnel, qui a fait de son mieux pour bien vivre. D’elle surgit soudain cette voix, jamais entendue auparavant, une lame de fond qui réanime autrement certains moments de sa vie. Une mémoire réactualisée en un souffle déferlant dans la réminiscence inconsciente de dictats qui avaient guidé sa vie. Ce sont les dix commandements, non pas de Dieu, mais de Dorothy Dix, une chroniqueuse américaine qui dispensait ses recettes et conseils de bonheur dans le journal et que cette femme lisait, avide de savoir comment être heureuse.
EXTRAIT
« j’ai cent ans Dorothy Dix et je n’ai pas changé, j’ai tenu le cap et oui j’ai été heureuse pas lorsque je voulais être heureuse, pas lorsque je fabriquais mon bonheur, j’ai été heureuse par accident, par hasard, surprise par hasard par des moments de bonheur, j’ai une vie pleine de manques et trop remplie par les autres mais en fin de compte c’est ma vie j’ai aimé ces autres autour de moi, je les ai aimés malgré tout plus fort que moi, je les ai aimés même si parfois ils me dévoraient je les ai aimés même si parfois je me sentais si seule entourée, je les ai aimés de manière irraisonnée, secrètement, profondément, le bonheur est parfois incompréhensible, il est parfois insupportable, il est imprévu, frappe sans prévenir comme le malheur. »