C’était un temps où Georges P. avait envie de tomber amoureux. Temps difficile puisque aucune fille ne s’intéressait à lui. Aucune ne paraissait le voir, en tout ou en partie. Il était invisible. Personne pour ainsi dire.
Georges P. se rend toutes les fins d’après-midi dans un petit restaurant. Et là, il lit. Il est complètement absorbé par les aventures de L’ingénieux hidalgo don Quichotte de la Manche de Miguel de Cervantès. Au-dedans de lui, à la manière du chevalier fantasque, il livre un combat épique. S’il vient dans ce petit resto, c’est simplement qu’il découvre qu’il est amoureux de la serveuse, une femme plus âgée que lui, qui s’intéresse à sa lecture. Tout en remplissant les salières et poivrières, elle laisse échapper quelques phrases qui parlent d’elle. Une foule de choses qui pourraient ne pas intéresser le liseur, mais amènent son cœur à battre la chamade.
Un jour, il s’aperçoit qu’il a un bleu sur la pommette. Il se rend aux toilettes et tente d’effacer cette curieuse meurtrissure. La tache se transforme sous ses yeux et devient le visage émacié de don Quichotte, illustré par Gustave Doré.
Au fil des jours, le phénomène se reproduit de plus en plus fréquemment. Sa peau est envahie par tout ce qu’il lit. La situation est troublante. Sa vie sentimentale aussi.
L’adolescent devient un message ambulant…
Il est devenu un garçon de papier…